La dĂ©pression peut ĂȘtre un handicap invisible... Comment aider un proche ?
Mieux comprendre pour mieux savoir quoi faire
Hello ! Pas de post de rentrĂ©e cette annĂ©e, juste un sujet un peu rĂ©current pour certaines personnes que jâaccompagne : la dĂ©pression, et Ă quel point parfois elle se voit peu.
Pourquoi je vous en parle ? Parce que jâai Ă©tĂ© tellement frappĂ©e par le contraste entre lâapparence extĂ©rieure de certaines personnes et le niveau de sĂ©vĂ©ritĂ© de leur dĂ©pression, une fois quâon creuse, que ça me paraĂźt important dây ĂȘtre plus sensibilisĂ©, pour soi, au cas oĂč, moins culpabiliser, et pour ses proches, parce que votre rĂ©action en tant que proche peut changer beaucoup de choses.
â ïž Disclaimer : Cet article a une visĂ©e dâinformation gĂ©nĂ©rale et de sensibilisation. Il ne remplace en aucun cas un avis mĂ©dical, un diagnostic ou un traitement. Si vous pensez ĂȘtre en dĂ©pression ou reconnaissez ces signes chez un proche, nâhĂ©sitez pas Ă consulter un professionnel de santĂ© (mĂ©decin, psychologue, psychiatre) pour bĂ©nĂ©ficier dâun accompagnement adaptĂ©.
đŽ Etre dĂ©pressif, ça se voit ? La dĂ©pression silencieuse
VoilĂ lâidĂ©e. On pourrait peut-ĂȘtre sâattendre Ă ce que la dĂ©pression, ce soit tellement profond, et dur, que ça se voie comme le nez au milieu de la figure. Eh bien pas du tout. MĂȘme pas pour moi, et mĂȘme pas forcĂ©ment en consultation au dĂ©part, alors que vous me direz, câest bien le lieu et le moment !
â»ïžQuâest-ce que la dĂ©pression ?
La dĂ©pression est une maladie complexe⊠pour rĂ©sumer, sans trop dire de bĂȘtises, je pense quâon pourrait dire que câest lâincapacitĂ© progressive Ă agir dans une direction qui nous fait du bien, avec des pensĂ©es et ruminations nĂ©gatives, souvent basĂ©es sur beaucoup dâautocritiques. Et moins on agit avec plaisir, plus notre comportement âsâĂ©teintâ et plus nos pensĂ©es deviennent nĂ©gatives et nous bloquent, câest un cercle vicieux. Il y a beaucoup de modĂšles explicatifs, des raisons aussi biologiques, des Ă©vĂ©nements vie difficiles, dâautres qui peuvent ĂȘtre dĂ©clencheurs, et une fois le cercle vicieux enclenchĂ©, on arrive petit Ă petit Ă un Ă©tat quâon peut qualifier de dĂ©pression.
En gros, quelquâun de dĂ©pressif est comme Ă©teint Ă lâintĂ©rieur. Il fait ce quâil peut comme il peut, en gĂ©nĂ©ral arrive Ă maintenir un minimum dâactivitĂ© mais nâĂ©prouve plus de plaisir Ă grand chose, une grande fatigue, profonde, et pour le cĂŽtĂ© tristesse, autant elle peut ĂȘtre extrĂȘmement intense et insupportable, autant elle peut aussi nâĂȘtre plus trĂšs ressentie et la personne peut mĂȘme nâavoir quasiment plus dâĂ©motions, tout devient atone et morne. Câest comme si câĂ©tait une vie en noir et blanc, plus de couleurs. Et, avec, lâimpression que câest de sa faute, et parfois, que ça ne changera pas, que rien ne peut sâamĂ©liorer (discours nĂ©gatif liĂ© Ă des biais dâinterprĂ©tation de notre cerveau, pas bien aidant sur le coup).
â»ïžPourquoi une dĂ©pression reste parfois invisible ?
Vous lâaurez compris, on ne devient pas forcĂ©ment dĂ©pressif dâun coup, net. Ce serait plutĂŽt comme une spirale de nĂ©gativitĂ©, dâimmobilisme, qui se met en place petit Ă petit.
Et encore, lâimmobilisme nâest pas toujours lĂ , parfois les gens peuvent ĂȘtre trĂšs actifs quand mĂȘme, vu de lâextĂ©rieur. Ils fonctionnent encore, en mode robot. Agir, agir, agir, dans la roue du hamster, sans rĂ©flĂ©chir.
Comme la plupart dâentre nous, ce nâest pas parce que la personne est dĂ©pressive quâelle a envie que ça se voie ou de faire pitiĂ©. DĂ©jĂ , elle nâa pas forcĂ©ment toujours conscience de lâĂȘtre, et puis, on essaie tous de faire bonne figure, parce quâon nâa aucune envie de devoir entrer dans les dĂ©tails de nos problĂšmes avec tout le monde. Ce nâest pas non plus possible de se montrer vulnĂ©rable partout, ni Ă tout moment. MĂȘme avec ses proches, ça peut ne pas ĂȘtre facile. Dans un autre sens, lĂ , souvent, pour ne pas quâils se fassent de souci, pour ne pas les surcharger avec nos problĂšmes, etc.
Et aussi⊠on ne comprend pas dĂ©jĂ soi-mĂȘme ce qui nous arrive, alors de lĂ Ă faire face aux autres, qui ne comprennent pas non plus parce que câest trĂšs mĂ©connu finalement⊠on nâen a certainement pas lâĂ©nergie dans ce cas.
Donc, ce qui peut se masquer, pour ne pas rajouter de devoir en plus expliquer ce qui ne va pas et pourquoi (parce que le pourquoi, en plus, on ne lâa pas !!), on le masque autant quâon peut. On continue Ă dire âça vaâ mĂ©caniquement quand on nous le demande le matin.
De toute façon, rĂ©ellement, qui serait vraiment prĂȘt Ă entendre un ânonâ et en faire quelque chose ? Dire non ce serait risquer de mettre mal Ă lâaise lâautre, paraĂźtre peut-ĂȘtre agressif⊠et la personne a bien autre chose Ă faire que se rajouter une situation complexe Ă gĂ©rer. Câest plus facile de dire âça vaâ.
Dans la mĂȘme sĂ©rie, jâai dĂ©jĂ vu des entreprises avec des risques psycho-sociaux avĂ©rĂ©s (au final), alors quâĂ premiĂšre vue en visitant les locaux tout le monde paraissait souriant, disait bonjour chaleureusement ! - A lâinverse, si lâambiance dĂ©gradĂ©e se voit, câest que vraiment ça ne va pas bien bien du tout !!
On ne voit jamais que le dessus de lâicebergâŠ
On peut aussi ĂȘtre dans la croyance, comme certaines personnes, âquâil ne faut pas se laisser allerâ, en pensant que ça va ĂȘtre pire sinon. Comme si on pouvait sâobliger Ă aller bien : mais ça, câest une croyance assez rĂ©pandue, donc, ça se comprend⊠chacun fait ce quâil peut et on ne nous apprend pas le mode dâemploi de notre cerveau Ă lâĂ©cole, alors, on essaie ce qui nous semble logique, avec notre culture.
Donc les personnes vont le plus souvent essayer de tenir de leur mieux. Elles ne laissent parfois rien transparaĂźtre, soit avec beaucoup dâefforts, soit parfois mĂȘme pas, peut-ĂȘtre, en ayant tellement bien appris par le passĂ© Ă ne pas montrer dâĂ©motions.
â»ïž Quand la dĂ©pression silencieuse cache des traumatismesâŠ
â«ïžQuand la personne paraĂźt fonctionner normalement, ou presque
Comme je le disais au dĂ©part, jâai Ă©tĂ© trĂšs frappĂ©e par le contraste entre la prĂ©sentation assez ordinaire et tout Ă fait ânormaleâ de certains patients, et la rĂ©alitĂ© de leur Ă©tat profond.
Par exemple des patients, qui sont sans tristesse particuliĂšre vraiment apparente, et viennent consulter pour un problĂšme qui paraĂźt au dĂ©part sans trop de gravitĂ©, du style âon me reproche de ne pas assez communiquerâ. Câest un motif assez frĂ©quent pour les gens qui viennent me voir, Ă©tant donnĂ© que jâai insistĂ© dans ma prĂ©sentation sur les problĂ©matiques relationnelles, jusquâici.
Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais pour moi, au dĂ©part, câest quelque chose que beaucoup de gens pourraient dire, et la plupart du temps, plutĂŽt quelque chose que je rĂ©sous avec lâapproche systĂ©mique, lâapprentissage de reconnaissance et dâĂ©coute de ses Ă©motions, ses besoins, et de techniques de communication efficace. Ca suffit gĂ©nĂ©ralement et le plus souvent, il nây a rien de plus en-dessous, simplement, ne pas avoir appris suffisamment Ă communiquer, quelques croyances profondes trompeuses liĂ©es Ă des schĂ©mas construits au fil de lâhistoire de la personne, et souvent la crainte des conflits. Câest le lot de beaucoup de personnes en fait ;) - aucun de nous ne me paraĂźt pouvoir ĂȘtre parfait lĂ -dessus dâailleurs !
En complĂ©ment de lâentretien initial, je fais rĂ©guliĂšrement passer des Ă©chelles dâĂ©valuation, dĂšs que jâai un petit doute sur la prĂ©sence dâanxiĂ©tĂ© et/ou dĂ©pression, pour voir avec un outil validĂ©, standardisĂ©, oĂč en est la personne; cela permet aussi au fil du temps en faisant re-passer les mĂȘmes tests, de voir si on est efficace avec la thĂ©rapie (câest mieux !). Il y a le ressenti de la personne, et puis, ce que renvoient les Ă©chelles de mesure.
Et parfois quelle surprise⊠entre des personnes dont le problĂšme annoncĂ© est plutĂŽt âjusteâ un problĂšme de comportement, qui a un impact sur les autres et du coup, leur relation, donc mĂȘme pas de plainte de souffrance personnelle au dĂ©part, ou trĂšs peu (en tout cas pas le truc central), alors quâau final, les Ă©chelles (et la discussion autour des rĂ©ponses) me renvoie une toute autre version de lâhistoire : des signes de dĂ©pression profonde voire mĂȘme de stress post-traumatique !
Vous imaginez bien que si moi, qui suis lĂ pour ça, en mode totale Ă©coute de la personne qui vient me voir, les antennes ouvertes, avec une personne qui vient elle aussi pour ça, et me dĂ©balle son problĂšme sans retenue, je nâai rien vu au dĂ©part, comment pourriez-vous le voir dans la vie courante ?
â«ïžMais le traumatisme verrouille les Ă©motionsâŠ
Dans lâĂ©tat actuel de nos connaissances (toujours, des miennes, car je nâai pas fait une bibliographie complĂšte du sujet avant de vous Ă©crire), voilĂ comment on peut expliquer ça.
Quand une personne vit un traumatisme, son cerveau se met en mode survie. Pour supporter lâintensitĂ© des Ă©motions, il âcoupeâ certains circuits : câest ce quâon appelle le verrouillage Ă©motionnel ou numbing1. Pendant le traumatisme, la personne peut mĂȘme vivre une dissociation, câest-Ă -dire, passer en fonctionnement automatique, ĂȘtre dĂ©connectĂ© de la conscience, tellement la situation est insupportable; dâoĂč les amnĂ©sies ensuite, ou trous dans lâhistoire, pendant quâelle a Ă©tĂ© dĂ©connectĂ©e. Câest une stratĂ©gie totalement involontaire, et plutĂŽt efficace Ă court terme, apparemment.
Mais le problĂšme serait que ça laisse des traces, et le cerveau reste bloquĂ© en mode âurgenceâ, comme si lâalarme ne sâĂ©teignait jamais. RĂ©sultat : les Ă©motions sont gelĂ©es ou trĂšs difficiles Ă ressentir consciemment. De lâextĂ©rieur, on peut croire que âtout va bienâ parce que la personne sourit ou assure son quotidien, cela lui permet de continuer Ă fonctionner, dâaller travailler, de sâoccuper des enfants⊠bref, de tenir debout .. en ayant mĂȘme lâimpression que ça va ! En rĂ©alitĂ©, elle vit avec une partie dâelle-mĂȘme anesthĂ©siĂ©e, ce qui lâempĂȘche de traiter le traumatisme et de retrouver un fonctionnement Ă©motionnel normal.
Câest logique en mĂȘme temps : Ă quoi dâautre pourrait-elle comparer, si elle sâest tout le temps sentie comme ça ? Comment savoir que câest diffĂ©rent pour dâautres personnes ?
Ca me rappelle quand on a dĂ©couvert que jâĂ©tais myope, quand jâĂ©tais petite. Je nâen avais aucune idĂ©e, pour moi câĂ©tait idiot de me demander si jâarrivais Ă lire les lettres du nom de la rue quand câĂ©tait trop loin. Ma normalitĂ©, câĂ©tait que tout ce qui Ă©tait Ă plus de quelques mĂštres Ă©tait flou. Comment jâaurais pu savoir que les autres voyaient ça net ? Je nâai su que câĂ©tait possible quâen allant chez lâophtalmo⊠Chacun notre carte du monde !
Ce verrouillage Ă©motionnel, on pourrait le comparer Ă une maison dont le disjoncteur a sautĂ©. Le court-circuit a permis dâĂ©viter lâincendie (la peur extrĂȘme ?), mais tant que le courant nâest pas rĂ©tabli, certaines piĂšces restent dans le noir. Cela protĂšge sur le moment, mais Ă long terme, on ne peut pas vivre bien dans une maison sans lumiĂšre.
La personne elle-mĂȘme, est habituĂ©e Ă vivre dans le noir, elle fonctionne comme ça. Elle est Ă lâabri des plus fortes Ă©motions, donc, relativement, ça va, et elle ne se plaint pas. Ce nâest donc pas faux non plus, ou mentir, quand elle vous dit âça vaâ⊠tout est relatif. Elle peut quand mĂȘme aussi sourire, participer⊠ĂȘtre Ă lâĂ©coute⊠juste, elle ne sâĂ©coute pas, elle.
Ca va, par rapport à ma normalité habituelle.
đŽ Que faire dâutile alors au quotidien pour une personne potentiellement dĂ©pressive ?
Puisque ce nâest pas Ă©vident Ă voir, dĂ©jĂ , ĂȘtre attentif·ve Ă des signaux discrets qui peuvent ĂȘtre des signes de dĂ©pression, quelques signes dâalerte. Sans non plus psychologiser Ă outrance et analyser tout le monde !
1. Etre tolérant et ouvert aux difficultés des autres
Juste dĂ©jĂ simplement penser que vous nâĂȘtes pas dans les bottes des autres, que vous ne savez pas ce qui se passe rĂ©ellement pour eux et dans leur vie, que nous nâavez jamais tout leur contexte.
La plupart du temps les gens nâessaient pas de mal faire, la premiĂšre explication plus probable quand ils rĂ©agissent mal ou que leur comportement vous ennuie, est souvent que ça ne va pas super.
Ca ne veut pas dire que vous devez tolĂ©rer tous leurs comportements, par contre, sâils sont nuisibles pour vous : juste, ne pas interprĂ©ter en premier une attitude par une mauvaise volontĂ©, ou intention.
Vous nâĂȘtes pas dans la tĂȘte de lâautre.
2. Ni banaliser, si sur-analyser
On entend parfois parler de dĂ©pression Ă toutes les sauces, et pourtant câest finalement mal connu, mal compris.
Etre triste nâest pas forcĂ©ment ĂȘtre dĂ©pressif. La tristesse, comme les autres Ă©motions, fait partie de la vie, le deuil aussi⊠on peut traverser des phases difficiles, sans ĂȘtre dĂ©pressif pour autant. Ca ne veut pas dire quâil ne faut pas en tenir compte, il faut ĂȘtre attentif Ă soi quel que soit lâĂ©tiquette ou pas ! Mais juste, les bons mots sur les bonnes choses.
Etre dĂ©pressif nâest pas forcĂ©ment se montrer triste !
3. Etre attentif·ve aux signaux qui peuvent passer inaperçus
Le dessus de lâiceberg de la dĂ©pression, pour les proches, peut ĂȘtre des comportements ⊠parfois agaçants ! Ce qui rend ça dâautant plus compliquĂ© pour aider. On peut avoir envie, ĂȘtre disposĂ© Ă aider, mais ne pas capter du tout les signes parce que notre agacement est au premier plan ! Et comme ça sâinstalle insidieusement, en plusâŠ
On peut retrouver :
Tout ce qui va ĂȘtre de lâordre de la difficultĂ© de passage Ă lâaction :
sensation de fatigue, difficile de se lever le matin, difficile de faire des tĂąches habituelles, les corvĂ©es de la maison⊠: pas dâĂ©nergie
procrastination⊠envahissante â ce qui peut de base ĂȘtre interprĂ©tĂ© comme âfainĂ©antâ, mĂȘme par la personne elle-mĂȘme (nâoubliez pas, elle se juge nĂ©gativementâŠ)
perte dâintĂ©rĂȘt, retrait des activitĂ©s que la personne aimait jusque lĂ , dâhabitude, de choses qui comptent pour elle
la difficultĂ© Ă mettre en route de nouveaux projets, se projeter dans lâavenir
mais parfois, comme on lâa dit⊠ça peut aussi au contraire, ĂȘtre Ă fond dans la course pour ne pas penser, âse laisser allerâ. Mais alors le signe pourrait ĂȘtre que le nombre dâintĂ©rĂȘts de la personne va devenir trĂšs limitĂ©, resserrĂ© sur plus que quelques choses centrales, son travail par exemple, et plus rien dâautre ne paraĂźt la toucher ou pouvoir la mettre en mouvement. Câest assez proche du cĂŽtĂ© addiction dâailleurs, Ă ce moment-lĂ .
Lâimpact sur la gestion des Ă©motions :
soit plutĂŽt irritabilitĂ©, la personne est facilement en colĂšre, irascible, sâimpatiente pour tout, son seuil de tolĂ©rance est nettement abaissĂ©, un rien la âdĂ©clencheâ
soit plutĂŽt le cĂŽtĂ© verrouillage Ă©motionnel : elle est anesthĂ©siĂ©e, paraĂźt ne plus ressentir grand chose, ni en positif, ni en nĂ©gatif. Mais elle peut essayer de donner le change, aussi, faire semblant, jusquâĂ une certaine limite.
soit un peu des deux, selon les moments.
la perte de plaisir, dans ce que la personne aimait faire dâhabitude, mĂȘme dans le partage avec ses proches, parfois
une sensation de vide intérieur, de perte de sens
La nĂ©gativitĂ© : la dĂ©pression met comme un filtre noir sur toutes nos interprĂ©tations. Ca donneâŠ
plus de conflits, car tout est interprĂ©tĂ© sur le mode nĂ©gatif : les compliments ne passent pas ou ont lâair de glisser sur elle, le moindre reproche est amplifiĂ© +++
rien nâa lâair possible avec la personne, elle refuse tout ce quâon lui propose (elle ne peut plus se projeter dans lâavenir, en fait, pensant en gros âtout est fichu, ça ne sert Ă rienâ)
la personne prend tout âpour elleâ : normal, elle se sent dĂ©jĂ coupable de tout, impossible dâaborder quoi que ce soit oĂč elle serait en cause, câest bien trop douloureuxâŠ
Vision nĂ©gative dâelle-mĂȘme, des autres, du monde⊠: tout est noir, et elle est nulle, tout est de sa faute. VoilĂ .
Si vous creusez un peu, derriĂšre des remarques pas trĂšs aimables, des colĂšres un peu incomprĂ©hensibles, ou des rĂ©actions inhabituelles, ces interprĂ©tations nĂ©gatives peuvent se retrouver assez facilement, je pense. Mais il faut avoir lâidĂ©e que ce sont des signes. Au quotidien, câest plus difficile que quand la personne arrive dans mon cabinet ! Ne vous culpabilisez pas non plus si vous nâavez rien vuâŠ
4. Au passage, des signes dâalerte plus urgents
En plus de cette sĂ©rie de signes, si la personne donne des signes de dĂ©sespoir, ça doit fortement alerter sur un risque suicidaire (coucou la journĂ©e de prĂ©vention du suicide il y a 2 jours, jâai mĂȘme pas fait exprĂšs) : donc une vision nĂ©gative de lâavenir, pessimisme ++, avec des phrases du style :
ça nâira jamais mieux
on ne peut rien faire pour moi, je suis comme ça
de toute façon, les autres ne mâaimeront pas
Vous voyez, des choses du style trĂšs figĂ©, bloquĂ©, et gĂ©nĂ©ralisĂ©, en tout ou rien. Cela fait partie des biais nĂ©gatifs de notre cerveau lors de la dĂ©pressionâŠ
Ca peut aussi tout Ă fait passer inaperçu, mais juste, si vous le savez, ça vous tiltera peut-ĂȘtre si vous entendez ça.
5. Comment aider concrÚtement un proche en dépression invisible
Nâessayez pas de le raisonner, de contredire ses biais nĂ©gatifs : ça ne marche pas plus quâessayer de convaincre une personne que sa phobie des souris nâa pas de sens ⊠Bien sĂ»r que ça nâa pas de sens, notre cerveau profond nâest pas des plus rationnels. Il veut juste notre survie, mĂȘme de façon pas logique. NâempĂȘche que câest ce que la personne ressent. Et lĂ , en plus, elle nâa mĂȘme plus de distance avec son ressenti, et ne se rend plus forcĂ©ment compte que ce nâest pas rationnel.
Essayez dâĂȘtre comprĂ©hensif·ve, de lâaider Ă mettre des mots dessus : vous pouvez lui dire que vous avez lâimpression que ça ne va pas, et ouvrir le dialogue. Vous pouvez dire que vous nâĂȘtes pas professionnel, mais que ça vous fait penser Ă des signes de dĂ©pression, et que peut-ĂȘtre, ça pourrait ĂȘtre bien dâaller voir le mĂ©decin.
Essayez autant que possible, mĂȘme si ses comportements sont sans doute trĂšs agaçants, de :
ne pas la culpabiliser de ne pas se bouger, dâĂȘtre nĂ©gative, dâĂȘtre ci ou ça⊠Ca ne va rien aider du tout, au contraire. Elle se culpabilise dĂ©jĂ , et câest prĂ©cisĂ©ment ça qui la freine, en gĂ©nĂ©ral, Ă faire quoi que ce soit (son cerveau lui dit tout le temps âça ne sert Ă rien, tâes nulleâ). Si vous lui en rajoutez, ça va encore plus la freiner. Peut-ĂȘtre cette idĂ©e peut vous aider Ă Ă©viter de le faire ;)
ne pas la secouer pour quâelle avance, façon Tibo Inshape et les injonctions usuelles de notre sociĂ©tĂ© âsors de ta zone de confortâ, âil faut aller de lâavantâ, et discours motivationnels habituels. Ca nâaide pas non plus. Elle essaie dĂ©jĂ . Elle nây arrive pas. Et elle sâen veut.
Nâessayez pas de la distraire spĂ©cifiquement pour cette raison, elle nâen a sans doute pas lâenvie, mais si vous en avez la disponibilitĂ©, juste Ă©coutez-lĂ et laissez-lĂ parler, sans jugement. Ca, ça aide. Montrer quâon est lĂ et quâon tient Ă elle. (Oui, câest moins Ă©vident avec les rĂ©actions possibles assez agaçantes quâelle peut avoirâŠ)
Encourager Ă chercher de lâaide pro (mĂ©decin, psy), sans pression. Si, Ă©videmment, vient lâargument âmais ça ne sert Ă rien, je suis comme çaâ ou chose du style : ce que vous pouvez lui dire, câest que câest prĂ©cisĂ©ment la dĂ©pression qui peut lui faire penser ça. Mais aprĂšs nâinsistez pas plus ⊠sauf risque suicidaire⊠: en cas de doute, le 3114 est lĂ , nâhĂ©sitez pas. Et en cas de suspicion vraiment urgente, câest mĂȘme le 15.
Voici encore quelques autres pistes ici et sur le site parlonsdepression.fr.
Si ça vous intĂ©resse, je ne saurais trop vous recommander la formation Premiers Secours en SantĂ© Mentale : si vous nâĂȘtes pas Ă lâaise avec le sujet, cela donne des clĂ©s pour voir comment faire pour aller de la dĂ©tection de la situation Ă lâaide professionnelle. Comme les premiers secours classiques, mais pour la santĂ© mentale. Comme les crises cardiaques, ça peut arriver Ă tout le mondeâŠ
đŽ Le plus important : juste changer de regard sur la dĂ©pression
Elle ne ressemble pas toujours Ă ce que lâon croit⊠Votre voisin, votre chef, la boulangĂšre, nâimporte qui peut en souffrir sans que vous le voyiez forcĂ©ment !
Ce que vous pouvez faire dâutile :
â ne pas juger trop vite, vous ne connaissez pas toute lâhistoire de lâautre
â rappeler que demander de lâaide nâest pas un aveu de faiblesse, mais au contraire dâaffronter la rĂ©alitĂ© et dâaller dans la bonne direction.
â vous former aux premiers secours ;)
A bientĂŽt et prenez soin de vous !
Frewen, P. A., Dozois, D. J. A., Neufeld, R. W. J., Lane, R. D., Densmore, M., Stevens, T. K., & Lanius, R. A. (2012). Emotional Numbing in Posttraumatic Stress Disorder: A Functional Magnetic Resonance Imaging Study. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22154897/ Version traduite : https://pubmed-ncbi-nlm-nih-gov.translate.goog/22154897/
Feeny, N.C., Zoellner, L.A., Fitzgibbons, L.A. et al. Exploring the Roles of Emotional Numbing, Depression, and Dissociation in PTSD. J Trauma Stress 13, 489â498 (2000). https://doi.org/10.1023/A:1007789409330
Merci Mathilde pour cet article huper complet ! đđ»đđ»